GLYCATION

LA GLYCATION DES PROTÉINES Généralités physiologiques 1/3

La fixation de sucres sur des protéines est en partie un processus physiologique.

Pour l’essentiel il s’agit d’une greffe de certains types de sucres (ou de chaînes de sucres) par voie enzymatique sur des protéines généralement membranaires. Ce processus s’appelle « glycosylation ». Il permet de fabriquer un infinie variété de glycoprotéines et ainsi d ‘assurer des fonctions extrêmement variées selon leur composition.

Par contraste, la glycation des protéines par voie non enzymatique est essentiellement pathologique

Par contraste, la glycation des protéines par voie non enzymatique est essentiellement pathologique. La fixation concerne l’attache d’un groupe carbonyl d’un sucre avec l’amine terminale d’une protéine ou d’un acide aminé. Cette fixation se fait très majoritairement sur l’arginine ou la lysine, mais pas nécessairement sur toutes amines. Par exemple l’albumine comporte plusieurs de dizaines de terminaisons arginine ou lysine, mais seule la glycation de certaines se termine par un effet pathologique, en raison probablement de configurations requises pour cela. La glycation est possible par n’importe quel sucre mais tous n’ont pas le même pouvoir glyquant. Ainsi à concentration normale dans le sang le glucose est faiblement glyquant, mais en situation d’hyperglycémie le glucose est capable de glyquer suffisamment l’hémoglobine pour en modifier l’efficacité. En cas de diabète, l’hémoglobine glycosylée est un très bon indicateur du contrôle glycémique (HbA1C). Le phénomène de glycation dépend aussi d’autres facteurs comme la température ou le pH ou le type de sucre. Ainsi le fructose est environ 50 fois plus glyquant que le glucose et le ribose est encore plus puissant.

Lorsque la glycation se produit, un premier type de molécule se forme, appelé base de Schiff, qui est réversible et peut même être utilisé de façon positive dans le métabolisme cellulaire. Lorsque le processus se poursuit les bases de Schiff se transforment rapidement en produits dits d’Amadori, qui sont des structures nettement plus stables et potentiellement dangereuses. La poursuite de ces réactions en chaîne entraîne la formation de molécules dites « produits avancés de glycation », en anglais AGE. Les AGE sont des protéines glyquées, structurellement modifiées et dont les fonctions physiologiques sont alors altérées. Certaines réactions, qui dépendent des produits impliqués dans la synthèse, conduisent à une double fixation sur des structures voisines telles que les fibres de collagène ; on parle alors de « cross-linking ». L’ensemble de ces processus est connu sous le nom de réaction de Maillard, du nom de son découvreur.

Ces produits sont en général d’apparence brunâtre, ils sont aussi appelés mélanoïdines. Ils caractérisent les aliments cuits rapidement sous température élevée (barbecue, frites, croûte du pain), auxquels ils donnent aussi du goût et des arômes.

Les AGE sont rapidement toxiques pour les cellules.

Les AGE sont reconnus par des récepteurs spécifiques (RAGE) dans beaucoup de types cellulaires, où ils activent les réactions d’inflammation, de stress oxydant et de mort cellulaire par apoptose. De ce fait, ils sont parfois appelés glycotoxines.

Les AGE peuvent avoir deux origines différentes. Pour leur plus grande part, à l’exception des diabétiques mal contrôlés, ils proviennent de l’alimentation. La cuisson trop rapide et à haute température ainsi que leur création volontaire pour former des aromes est la principale cause de leur formation. Mais plusieurs réactions métaboliques intracellulaires autour de la glycolyse forment des groupements carbonyls extrêmement glyquants tels que le glyoxal et le methylglyoxal. Ce dernier est actuellement considéré comme la plus importante source hors alimentation.

Des causes autres que l’hyperglycémie diabétique ou l’alimentation (sodas riches en fructose, produits caramélisés) favorisent la toxicité des AGE : l’insuffisance rénale empêche leur élimination par voie urinaire et entraîne leur accumulation dans l’organisme. La fumée du tabac, du fait de la combustion, contient beaucoup d’AGE toxiques. Les rayons UV, en générant un stress oxydant, entraînent secondairement la formation d’AGE.

L’accumulation d’AGE dans le temps (de préférence sur des protéines à renouvellement très lent) entraîne une série de pathologies avec de graves conséquences sanitaires.

Cliniquement, la glycation se manifeste de façon visible par la cataracte et les taches brunes sur la peau. Comme on le verra, l’accumulation d’AGE dans le temps (de préférence sur des protéines à renouvellement très lent) entraîne une série de pathologies avec de graves conséquences sanitaires. Plusieurs AGE, en particulier parmi les plus dangereux, sont fluorescents et donc détectables par simple mesure non invasive sur la peau. Il est donc aujourd’hui possible de détecter et suivre facilement l’aggravation du phénomène de glycation et de la traiter.

A suivre…

Pr Nicolas WIERNSPERGER PhD
Physiopathologiste, spécialiste du métabolisme.

Image : Calavera, masque en sucre utilisé pour la fête des morts au Mexique.
Crédit photo : Shutterstock